“Sagu” de fougère

Vous connaissez le sagu ? C’est le nom vernaculaire d’un palmier poussant en Asie du Sud Est, le sagoutier (Metroxylon sagu Rottb.), dont on extrait une fécule du tronc. Fécule à laquelle on donne le même nom. Chez les Mentawaïs c’est l’un des aliments de base, que j’ai eu l’occasion de goûter récemment sur place. Ils font rôtir cette fécule dans une foliole repliée du même palmier. Le meilleur que j’ai goûté est tout juste chaud, bien moelleux-caoutchouteux à l’intérieur (on voit des mucilages gluants à la coupe du tronc), et croustillant à la surface.

De retour en France j’ai tout de suite pensé à la fougère aigle (Pteridium aquilinum (L.) Kuhn) : mucilages, amidon, nécessité de transformer l’aliment, nombreux autres usages, l’analogie avec le sagu saute aux yeux. En effet les rhizomes de fougère aigle ont été consommés cuits pour leur apport en glucide dans différentes parties du monde (cf PFAF et un article de la RFF). Cela dit plusieurs composés toxiques ont été identifiés dans la fougère aigle. Ils sont présents en teneur variable suivant les individus et la partie de plante considérée :

-thiaminase, enzyme catalysant la dégradation de la vitamine B1, détruite à la cuisson,

ptaquiloside, glucoside principal responsable de l’effet cancerigène de la fougère aigle chez l’humain, par exemple au Japon où elle est consommée régulièrement, surtout présent dans les crosses et jeunes frondes, en moindre concentration dans le rhizome (attention à la variabilité individuelle), très soluble dans l’eau (il passe dans les eaux du sol),

prunasine, glycoside cyanogène qui produit par hydrolyse du cyanure d’hydrogène (cf genre Prunus spp. : amandes et pépins amers…), qui bout à 26°C.

Des fermentations pourraient être une solution mais plus de données sont nécessaires. Un risque existe malgré toutes les précautions que l’on peut prendre. C’est à vous de l’analyser, de prendre position et surtout d’en assumer les responsabilités avant tout usage. Cet article est à usage informatif seulement. Ces précautions prises voici le compte rendu d’une extraction de fécule de rhizomes de fougère aigle frais. Les faire sécher pour séparer la “peau” et les fibres des parties amylacées pourrait améliorer le processus (cf PFAF).

La récolte

Il faut d’abord récolter ce rhizome. Après quelques essais, le plus efficace semble de cibler une fougeraie où les frondes sont de grande taille, assez loin des arbres pour éviter d’endommager leurs racines. D’utiliser faucille, fourche bêche et sécateur pour se faciliter la tâche. Et des gants pour ne pas se couper, surtout avec les frondes.


Les frondes sont fauchées pour dégager la parcelle de laquelle on va extraire les rhizomes. Ensuite la terre est ameublie à la fourche bêche. Puis on suit les restes de fronde dans le sol pour accéder aux rhizomes.

Choisir les rhizomes qui vont fournir le plus d’amidon par la suite. Donc dont la transformation va être la plus efficace en énergie dépensée. Ils sont triés et coupés au sécateur en tronçons de taille pratique pour le lavage. Pour trier, sélectionner ceux qui sont droits (faciles à laver) et les plus gros possibles. Ceux qui sont durs, pleins de bifurcations, sans tissus blanc à l’intérieur peuvent retourner en terre.

Après lavage soigneux, ils sont coupés en tronçons d’un demi centimètre au sécateur. Si vous voulez mesurer votre rendement, c’est le moment de les peser.

Le lait

L’étape suivante consiste à séparer les parties solides du rhizome de l’amidon que l’on veut extraire sous forme de fécule. Pour cela on fait un “lait” : les rhizomes sont broyés dans de l’eau, et ce mélange est ensuite filtré pour ne garder que la partie liquide. Utiliser le blender le plus puissant que vous avez. Compléter d’eau tiède à une fois et demi la hauteur de rhizomes dans le bol de votre blender. Utiliser une mousseline pour filtrer le plus fin possible, on ne veut que du liquide.

Le lait, avec sa mousse de mucilages à la surface
La partie solide

Décantation

Le liquide obtenu est laissé à décanter une nuit. Le lait blanc de la veille apparaît alors verdâtre pâle sur le dessus : la fécule est au fond. Le liquide du dessus est alors retiré pour ne garder que la fécule humide qui est au fond. On remarque nettement son comportement de fluide non-newtonien : si on penche le contenant, c’est fluide, si on appuie dessus la viscosité augmente et ça se rapproche d’un solide. Dans ce cas particulier on dit que c’est un fluide dilatant.

Même mousse le lendemain
Liquide à retirer
Fécule humide

Séchage

Cette fécule est alors séchée. Au déshydrateur si vous êtes pressés. Sinon vous pouvez la laisser à l’air libre. C’est le moment de la peser pour mesurer le rendement en masse entre le rhizome frais lavé et la fécule sèche. J’ai obtenu 11,57% de rendement sur cette extraction. A titre de comparaison celui de la pomme de terre en féculerie industrielle est de 15% en moyenne (cf ici), et celui du manioc de 20% (cf ici).

Il ne reste plus qu’à l’utiliser, par exemple dans des cookies :

Nature en bas, 50% de fécule de fougère aigle dans la farine en haut à droite.

Autres pistes

Le process serait à tester sur d’autres sources d’amidon toxiques à l’état cru mais dont les principes toxiques sont solubles dans l’eau comme les glands ou les marrons d’inde. À votre tour de mesurer !

Maxime Leloup

Article légèrement adapté de l’original publié sur ce site le 26 septembre 2017

Contenu diffusé sous licence libre CC BY-NC 4.0

Pkhrali

La Géorgie est un pays passionnant. Un voyage en 2011 m’a permis d’y goûter quelques spécialités locales dont le pkhali. C’est une recette simple à partir de laquelle vous pouvez varier à volonté.

L’essentiel de la recette

Ingrédients classiques :

  • Un ou des légumes. Par exemple du chou ou de la betterave mais aussi des légumes feuilles,
  • une source d’acidité, du vinaigre,
  • une source d’âcreté, des oignons et de l’ail,
  • du sel et des herbes comme condiment,
  • un oléagineux, des noix.

Les mesures non précisées sont celles de vos sens.

Ici j’ai choisi les pousses d’orties comme légume, le jus de citron frais pour l’acidité, l’ail des ours pour l’âcreté et du tamari comme sel-condiment. Blanchir les orties, cuisson une minute environ à l’eau bouillante très salée puis rinçage à l’eau froide pour stopper la cuisson. Elles conservent ainsi leur beau “vert printemps” et sont mi-cuites seulement. Bien les égoutter puis les concasser au légumier. Ciseler l’ail des ours frais en lanières, ajouter et mélanger aux orties concassées. Ajouter le jus de citron, un peu de sauce soja et des noix concassées en gardant quelques demi noix pour la présentation.

Bon appétit !

Maxime Leloup

Article légèrement adapté de l’original publié sur ce site le 11 avril 2018

Contenu diffusé sous licence libre CC BY-NC 4.0